Passionnée par son travail, Cécile Zeller a une approche globale du corps lui permettant de restaurer l’équilibre nécessaire au bien-être, ceci tout en adaptant chaque traitement au cas par cas.
Elle nous accorde un peu de son temps pour nous expliquer toutes les palettes de techniques qu’offre l’ostéopathie.
Pouvez-vous vous présenter ?
Ia Ora Na, je m’appelle Cécile Zeller et je suis ostéopathe. Cela fait déjà deux ans que j’exerce ce métier passionnant : j’ai fait plusieurs remplacements de quelques mois dans l’ouest et l’est de la France, ainsi qu’à Raiatea, cette sublime Ile Sacrée, qui m’ont permis d’évoluer, d’avoir du recul sur ma pratique et de savoir exactement ce que je recherchais avant de m’installer. Au mois de mai, j’ai ouvert mon cabinet à Tahiti, dans un district qui me plaisait vraiment.
Quel a été votre cursus pour devenir Ostéopathe ?
Les études d’ostéopathie sont longues. Selon les écoles, il s’agit de 5 ou 6 ans d’études que l’on peut faire directement après le bac.
En ce qui me concerne, j’ai commencé par deux premières années de médecine, car je ne connaissais pas cette discipline. J’ai fort heureusement « échoué de justesse » au concours et me suis retrouvée comme beaucoup d’autres à me demander ce que j’allais faire de ma vie. Une amie m’a alors parlé de l’ostéopathie et c’était comme une évidence : c’est vraiment ce métier que je voulais exercer !
S’en sont suivies 5 années d’études intensives, où connaissances théoriques et pratiques se sont mêlées pour faire de nous des thérapeutes compétents.
Concernant la théorie, il y avait entre autres, beaucoup d’anatomie, de physiologie (le fonctionnement du corps qui va bien), pathologie (le fonctionnement du corps qui va mal). Ceci afin de comprendre les réactions du corps, pouvoir agir pour la santé du patient et aussi parfois rediriger vers un professionnel de santé compétent lorsque le problème exposé par le patient n’est pas de notre ressort.
Quant à la partie pratique, nous avons passé une quantité phénoménale d’heures à toucher nos collègues, « éduquer la main » à sentir des choses d’une finesse que l’on imagine peu, sentir les différences entre personnes, même sur de toutes petites structures, puis comprendre comment se comporte une structure qui va bien, une qui va mal. Enfin, on apprend peu à peu à soigner ces structures qui ne vont pas si bien.
Lors de la 5ème année, nous avons passé notre temps à la Clinique Ostéopathique intégrée à mon école, permettant de faire déjà environ 500 consultations sur de « vrais » patients, avec une notion de suivi. C’était une année très difficile mais extrêmement formatrice : nous continuions à être évalués très sévèrement par nos professeurs et avons aussi dû écrire plusieurs mémoires pour valider le diplôme. Les deux principaux étaient un mémoire sur une prise en charge d’un patient, qui exigeait que l’on se pose beaucoup de questions (et surtout les bonnes questions !) sur le patient et notre façon de l’aborder au fil des séances ; le second correspondait à une lecture critique d’article sur un sujet de notre choix : il fallait aller sur les sites de publications médicales, trouver des études scientifiques sur le sujet et savoir les analyser pour répondre à la question que l’on se posait, en gros, témoigner de notre esprit critique et scientifique.
J’ai aussi la chance d’avoir un Master II en Médecine Ostéopathique délivré par la Dresden International University, une université allemande qui s’est spécialisée dans les cursus de médecines complémentaires (acupuncture, phytothérapie, homéopathie,…). Ce Master a été obtenu par jumelage de mon école (le Collège Ostéopathique Européen, à Cergy) avec la DIU, attestant la qualité de notre formation au niveau des critères européens de formation.
Après mon diplôme, j’ai continué à me former auprès d’ostéopathes et enseignants de qualité, notamment afin d’assurer une prise en charge optimale de femmes enceintes et de nourrissons.
Comment pouvez-vous nous définir ce qu’est l’ostéopathie ?
L’ostéopathie est une médecine COMPLEMENTAIRE : ce terme diffère dans son sens du mot « médecine parallèle » ou « alternative ». En effet, il ne s’agit pas d’avoir une approche médicale « pure » OU une approche ostéopathique, mais bien de s’inscrire naturellement et intelligemment dans un parcours de santé, avec une communication entre les différents acteurs au service de la santé du patient.
L’ostéopathie ne se substitue pas à un bilan médical lorsque besoin en est, mais s’inscrit tout à fait dans une prise en charge thérapeutique, en complémentarité des médecins (y compris spécialistes), kinésithérapeutes, sages-femmes, etc. Il s’agit d’une approche manuelle, qui prend en compte l’organisme dans sa globalité. Il s’agit là d’un point très important, dont on reparlera plus tard.
L’ostéopathie a pour but de rechercher la cause d’un symptôme, la zone en perte de mobilité qui va, localement ou à distance, être à l’origine d’un trouble fonctionnel (soit un trouble du fonctionnement de l’organisme, par opposition à un trouble organique). Une fois cette cause identifiée, l’ostéopathie présente différents outils manuels (les manipulations « quand ça craque », les contractions et étirements musculaires, des appuis sur des zones très précises, des façons de mobiliser les zones du corps très doucement, parfois de façon imperceptible pour certains patients,…) qui vont être mis en œuvre pour redonner de la mobilité aux zones en restriction de mobilité.
L’organisme, une fois fonctionnel à nouveau, n’éprouvera plus le besoin d’exprimer un symptôme pour donner l’alerte au patient.
A quels types de problèmes sont confrontées les personnes qui viennent en consultation ?
Ils sont très variés et souvent, les gens n’imaginent pas que l’ostéopathie peut répondre à leur problème ! Le mot « ostéopathie » donne à croire que nous ne travaillons que sur les os. Or, nous travaillons aussi – et parfois surtout ! – sur les viscères (digestifs, respiratoires, uro-gynécologiques,…), les muscles, le système neurologique et vasculaire,… en bref, TOUS les systèmes corporels.
Il y a deux grands types de motifs de consultation : en préventif ou en curatif. Au-delà des douleurs que je qualifierais de « communes » (torticolis, lumbago, troubles fonctionnels divers), on a un contexte particulier qui est celui de la grossesse, du post-partum et du nourrisson. Il y a aussi la notion de prise en charge en post-traumatique et pour les pathologies chroniques.
On connaît peu l’aspect préventif de la prise en charge ostéopathique. Pouvez-vous nous en dire plus ?
L’abord préventif est en effet moins fréquent : souvent, il s’agit de patients qui sont déjà venus pour soigner un symptôme et ont compris le fonctionnement de notre médecine : ils ont compris qu’il n’y a pas besoin que le corps soit tout à fait déséquilibré, douloureux et fatigué pour consulter. Ils décident de, plutôt que de venir trois fois d’affilée au bout de 3 ans pour une douleur chronique et handicapante, venir une fois par an pour entretenir leur santé en rééquilibrant toutes les petites zones qui ont commencé à se trouver en tension sans pour autant le signaler par une douleur : financièrement, on est dans une situation analogue, et surtout on ne passe pas des jours, semaines voire mois à souffrir et s’empêcher de vivre en bonne santé, ce qui pour le coup, n’a pas de prix !
Dans la plupart des cas, ce sont les patients qui connaissent bien l’ostéopathie qui font cette démarche d’anticiper pour leur bonne santé.
Qu’en est-il de l’approche curative, quels sont les motifs de consultation fréquents ?
Dans l’abord curatif, le patient vient avec un symptôme déjà installé, dans l’objectif de le supprimer.
Ce peut être suite à un traumatisme (chute, accident, coup,…) dans quel cas on travaillera beaucoup sur la zone-même : plus le patient vient tôt, moins l’énergie emmagasinée par le corps via le choc aura le temps de se diffuser à distance. Dans ces cas-là en particulier, il est indispensable, si aucun bilan médical n’a été fait au préalable, de faire une évaluation de la nature de la blessure : dans certains cas (fracture, traumas importants,…), nous devons rediriger le patient vers un médecin pour plus d’examens ou une prise en charge plus pertinente dans un premier temps.
De même il est parfois important de travailler sur les cicatrices qui ont tendance à faire des adhérences et peuvent entraîner au long terme des symptômes à distance (opérations, dont césariennes, traumatismes).
Ce peut-être pour un symptôme apparu progressivement : dans ces cas-là, il est primordial de travailler dans la globalité. Prenons un mal de dos : Est-ce que le problème vient de la zone douloureuse précise ou est-ce plutôt dû à une zone en tension au niveau des intestins, à un problème de genou d’il y a 20 ans que le patient avait totalement oublié, ou à une autre zone en tension à l’intérieur du crâne,… ?
L’ostéopathe va entendre la plainte du patient puis chercher, par des tests manuels, comment « fonctionne » son corps. Il va ensuite sentir ce qui ne fonctionne pas très bien, justement, les zones qui sont en perte de mobilité (à une échelle très fine !) ou en déséquilibre. C’est alors qu’il va rendre leur mobilité à ces zones, locales ou à distance, et rétablir un bon équilibre (postural,…) dans le corps du patient.
Ces symptômes peuvent être au niveau de l’appareil locomoteur (douleurs et blessures musculo-squelettiques, tendineuses, ligamentaires,…), mais aussi par exemple, digestif (troubles du transit ou reflux gastriques (quand ceux-ci ne sont pas occasionnés par un ulcère qui est un trouble organique et non fonctionnel, ce que l’on vérifie à l’interrogatoire),…), neuro-végétatif (troubles du sommeil, stress,…), on peut travailler sur les sensations d’oppression thoracique dont on prendra soin de vérifier l’absence de signes de gravité au préalable,…
Comment abordez-vous les patients ayant des pathologies chroniques ?
Certains patients consultent dans un cadre de maladie chronique : par exemple, la fibromyalgie. C’est une pathologie encore mal comprise et que l’on ne guérit pas. On s’est cependant rendu compte qu’une prise en charge régulière en ostéopathie diminue les crises de douleurs de façon efficace et de redonner des forces aux patients, souvent épuisés par leurs douleurs. On a aussi de bons résultats sur la sclérose en plaques et les maladies inflammatoires en général. Il faut cependant être sûr de ne pas empêcher un diagnostic médical approprié et rester conscients que dans ces cas-là, on ne permet qu’une réduction des douleurs, peut-être, avec l’accord du médecin, une diminution de la prise des médicaments, voire un espacement des crises mais malheureusement pas une guérison.
On parle beaucoup de l’ostéopathie dans le cadre de la périnatalité. Pourquoi et quand est-il judicieux de consulter ?
En effet, au cours de la grossesse, les futures mamans peuvent consulter sans modération un ostéopathe ayant une prise en charge adaptée à tout ce que leur état implique : la sphère émotionnelle, l’impact des hormones, la prise de volume et les changements que le corps de la maman subit pour permettre à son petit de grandir dans le meilleur des cocons. Lorsqu’une grossesse se passe bien, l’idéal est de venir une fois par trimestre afin d’aider le corps de la maman à s’adapter à tous ces changements. On peut avoir une nette diminution des reflux, des sciatiques, on peut aider à faire de la place en dessous du diaphragme pour que le bébé aie plus de place pour remonter, permettant aussi à la maman d’être moins essoufflée,…
A partir de 15 jours après la naissance idéalement (plus tôt si le besoin est vraiment présent mais laisser une petite période de latence pour que la famille se retrouve, que l’imprégnation hormonale diminue,…), une séance de prise en charge en post-partum est très judicieuse : après neuf mois d’évolution douce au jour le jour, soudain la morphologie de la maman change en quelques heures. En plus des grands chamboulements familiaux et émotionnels, il se peut que ce soit un peu le bazar dans l’organisme de la maman. Une séance d’ostéopathie contribue grandement à un retour à l’apaisement de leur organisme.
C’est aussi le moment de faire sa première séance à bébé : après 9 (idéalement !) mois de vie intra-utérine, aquatique, il doit s’habituer à vivre dans un environnement aérien, soumis à la gravité. Son organisme va grandement changer. De plus, il se passe énormément de choses sur le plan émotionnel lors de la grossesse, qui peuvent l’impacter dans ses tissus. Une grossesse peut être compliquée, de même qu’un accouchement, les sources d’ennuis pour bébé sont multiples ! Et il a tant à apprendre au quotidien : développer ses 5 sens, intégrer les cycles jour-nuit, apprendre à gérer sa température, à digérer, à comprendre que quand il pose sa main sur quelque chose, il interagit avec l’environnement,… ces choses qui nous paraissent si naturelles, mais qui nécessitent tant d’expériences tout petit. Si, pour une raison ou pour une autre, bébé a déjà des tensions dans le corps qui l’incitent à se tenir de telle ou telle manière (il ne tourne la tête que d’un côté, se tient toujours incliné du même côté) ou qui troublent son sommeil, son bon développement, ce sera d’autant plus difficile pour lui d’avoir toute l’énergie nécessaire pour intégrer au mieux ces apprentissages précoces et primordiaux. Une visite (ou quelques-unes dans certains cas) pourra l’aider à être dans les meilleures conditions pour grandir, sur le plan physique comme celui des acquisitions, dès le début.
Quelles sont les conséquences des blocages ou « lésions ostéopathiques » sur la santé ?
Si je me suis bien exprimée ci-dessus, vous aurez compris qu’une lésion ostéopathique, ou dysfonction, n’est rien d’autre qu’une perte de mobilité (même très fine, on parle de mobilités à l’échelle du millimètre, voire moins !). Or, vous avez peut-être déjà entendu le vieil adage, selon quoi « la Vie c’est le Mouvement ».
Prenons une image simpliste : dans un mécanisme de montre, si à un moment un tout petit engrenage se fait mal, peu à peu la mécanique globale devient incohérente et finalement, la montre n’affichera plus l’heure.
Le cumul des dysfonctions, selon leur importance, a le même effet. On finit par ne plus être fonctionnel : que cela signifie une perte de la bonne qualité de digestion, une boiterie, une douleur,…
Pouvez-vous nous en dire plus sur le déroulé de votre consultation ?
Je prends un créneau d’une heure par consultation, parfois plus lors de la première séance, selon le patient et le temps dont j’ai besoin pour m’occuper de lui.
Le patient entre et s’installe, nous commençons par discuter : s’il n’est jamais venu, je vérifie qu’il connaisse l’ostéopathie ou lui explique brièvement ce que nous allons faire aujourd’hui.
Ensuite, il m’explique son (ou ses) motif(s) de consultation. Lors de la première consultation, l’entretien est un peu plus long que les fois suivantes car j’ai besoin de connaître les antécédents médicaux de la personne : je lui pose toute une série de questions sur les différents systèmes corporels, afin de savoir si ceux-ci ont déjà présenté des troubles ou s’ils se portaient bien. Cela me permet d’avoir une notion du contexte de santé de la personne et des zones ayant déjà un historique de maladie ou souffrance.
Puis, le patient se met en sous-vêtement (lorsque la personne est très pudique, celle-ci peut rester en paréo afin de ne pas être gênée, je m’adapte, tant qu’elle n’est pas en jean) : je commence par observer sa posture de face et dos, à faire deux ou trois petits tests en position debout, si l’état de santé de la personne le permet. Cela me donne une première orientation sur le fonctionnement du corps du patient.
Il passe ensuite sur la table, assis, puis s’allonge sur le dos. Je poursuis mon bilan, à tester avec mes deux mains, tout en douceur, les différentes zones de l’organisme, pour comprendre comment celles-ci se comportent entre elles et si elles montrent des signes de dysfonction.
C’est après avoir fait un bilan global que je peux choisir ma « stratégie thérapeutique ». Vais-je commencer par travailler la zone qui fait souffrir le patient ? Ou par rééquilibrer globalement ? Commencer par un travail sur une jambe, le crâne, ou plutôt tel ou tel organe,… ? Tout dépend… du patient !
Tout au long du traitement je vérifie par des tests rapides l’évolution du rééquilibrage du patient. Cela me permet de valider ma stratégie thérapeutique ou d’en choisir une autre si celle-ci ne s’avère pas assez concluante.
En fin de séance, le patient doit avoir retrouvé un équilibre global au moins relatif (jusqu’à la prochaine séance en cas de besoin de plusieurs consultations) ou bien stable, qui lui permettra de laisser son organisme continuer le travail en profondeur pendant quelques jours, afin d’être en bonne forme pour un bon moment !
Avez-vous l’impression que les gens sont plus sensibles à ce type d’accompagnement aujourd’hui qu’avant ?
Cela fait deux ans que j’exerce. Sur cette question, je n’ai donc personnellement pas beaucoup de recul. Mais quelques faits, tout de même :
Depuis 2002, l’ostéopathie n’est plus considérée comme de l’exercice illégal de la médecine mais bien comme une approche thérapeutique à part entière, légitime et par conséquent, enfin légale ! Dès lors, les ostéopathes ont arrêté d’exercer de façon plus ou moins cachée mais ont pu « se déclarer » au grand jour. Dès ce moment, l’engouement pour cette approche a commencé, de par l’efficacité de l’approche.
En 2007, la loi Kouchner sur la santé a légiféré sur la qualité de la formation, exigeant 5 ans d’études et diverses autres particularités. Cela a eu un impact sur la réputation de « charlatanisme » qui rôdait autour de la profession, de par le flou artistique de certaines formations. Malheureusement, des formations en trois ans ont persisté et il a fallu resserrer les vis en 2015 pour à nouveau cadrer la qualité de formation, pour la sécurité des patients comme celle des praticiens. Encore maintenant, nous devons rester vigilants à ce propos.
A l’heure actuelle, beaucoup de gens comprennent l’intérêt d’une prise en charge globale : on sort du côté symptomatique de certains traitements. On peut limiter le besoin de traitements lourds dans certains cas, voire permettre au patient de ne plus en avoir besoin (toujours avec l’avis du médecin, une prescription médicamenteuse ou son arrêt n’est pas de notre ressort !). Et nous avons une énorme marge d’action sur tous les troubles non pathologiques mais qui handicapent nos patients au quotidien, auxquels la médecine trouve peu ou pas de recours. Je pense à une patiente qui présentait des signes d’oppression thoracique avec souffle qui se coupait, sans aucun signe de pathologie cardiaque ou autre. Elle éprouvait ces troubles depuis 5 ans, après le décès de son mari. Tout ce que la médecine pouvait lui proposait était des anxiolytiques pour diminuer son taux de stress. Ensemble nous avons fait quelques consultations et elle a pu retrouver un sommeil de qualité, ne plus ressentir ces crampes qui lui faisaient un mal fou au niveau du plexus solaire et une meilleure respiration. Comme je le disais plus haut, nous ne nous substituons pas à la médecine. Mais notre travail peut dans de nombreux cas améliorer grandement la santé et la qualité de vie des patients, quand la médecine se retrouve impuissante. De même qu’à certains niveaux, nous devons référer à un médecin pour une prise en charge efficace ! Tout dépend du contexte. Les patients commencent à bien comprendre cela. Ils communiquent entre eux et sont nos meilleurs encouragements !
Constatez-vous une différence entre les personnes ayant une activité physique régulière et les personnes sédentaires ?
Absolument ! Et ce à différents niveaux. Je vous passe les classiques questions de poids et répartition muscle / tissu adipeux (= graisses) que tout le monde connaît, au profit d’autres notions.
Dans ma pratique, j’observe tout d’abord une meilleure sensibilité des personnes actives physiquement : une partie des gestes que j’effectue est très subtile, notamment lorsque je travaille sur le crâne, il n’est pas évident de sentir des structures bouger, très finement et doucement en général. Certaines personnes pourraient même se demander ce que je fabrique, lorsque c’est la première fois qu’elles viennent ! Les sportifs sont plus « en lien » avec leur corps et sensibles aux tous petits changements qui s’effectuent peu à peu. De même que les personnes ayant une pratique méditative régulière.
Ces personnes sont aussi plus « dynamiques » dans leur capacité de réception du traitement : le corps est plus réactif aux gestes doux que j’effectue et je peux passer moins de temps sur différentes zones pour autant d’efficacité. Comme si les cellules étaient entraînées à recevoir et traiter une information de changement.
Enfin, les personnes pratiquant des sports symétriques, notamment le yoga, le Pilates, la natation, par exemple, ont une posture qui a développé une stratégie de rééquilibrage. Même si elles ont un schéma déséquilibré en profondeur, elles arrivent à le compenser d’une façon globale et très efficace : la première fois que j’ai assisté à cela, j’ai failli me faire avoir et croire que la personne était déjà bien équilibrée. En fait, il s’agit d’un équilibre « artificiel » qu’il faut savoir déconstruire pour aller chercher le schéma dysfonctionnel en dessous. Pour éviter ce schéma dysfonctionnel sous-jacent, je conseille à ces personnes de faire une séance en début d’année, au moment de la reprise de leur activité, puis la pratique de leur sport peut suffire à un bon entretien tout au long de l’année !
Il en est tout à fait autre chose avec les sports asymétriques (tennis,…) qui polarisent l’organisme. Ce sont de bonnes activités qu’il faudrait tout de même éviter chez un enfant développant une scoliose, par exemple. Ces sports-là ont plus une tendance déséquilibrante, qui pourra nécessiter une prise en charge ostéopathique plus régulière, selon le patient.
A quoi reconnaît-on un bon ostéopathe ?
C’est une très bonne question, à laquelle il y a plusieurs réponses : en effet, ceux qui ont déjà vu plusieurs ostéopathes auront compris qu’il y a « autant d’ostéopathies que d’ostéopathes ». Nous avons tous nos particularités dans nos façons de travailler.
De par mon discours plus haut, tout naturellement viendra en premier lieu la qualité de formation : c’est le sigle « D.O. » après l’appellation « ostéopathe » qui signifie que l’ostéopathe a été formé en 5 ou 6 ans et non 3. Cela est à prendre avec des pincettes sur le territoire polynésien, car par souci de simplicité, beaucoup de praticiens ont enlevé ce sigle de leur plaque ou carte de visite, alors qu’ils ont une formation de qualité. Vous pouvez poser la question au téléphone lors de votre prise de rendez-vous !
Ensuite, j’évoquerai différentes qualités humaines : la capacité d’écoute, de rester dans le non-jugement (tout en sachant recadrer fermement la personne quand elle n’est pas sérieuse avec sa santé !), bref, l’empathie. A mon sens, c’est primordial.
Avec ça vient l’humilité : nous ne sommes pas tout-puissants, ni omniscients. A mon sens, un bon ostéopathe est capable de se remettre en question, de continuer à apprendre tous les jours à différents niveaux. Des livres, d’autres professionnels de santé, comme de ses patients !
Enfin, mais non négligeable, un bon ostéopathe a une bonne « qualité de main », capacité à sentir les signaux du corps avec finesse. C’est avec cette bonne sensibilité qu’il pourra bien accompagner les tissus du patient vers un meilleur fonctionnement.
Quelles sont les différences avec la kinésithérapie ?
L’ostéopathie et la kinésithérapie sont deux approches manuelles complémentaires l’une de l’autre. Le kinésithérapeute travaille par le massage et la rééducation : pour une entorse de cheville (un exemple comme un autre), il va travailler sur la zone en souffrance avec ses mains ou des appareils (ex : électro-stimulation, ultra-sons,…). L’ostéopathe, comme vous l’aurez compris, va pour sa part essayer de tracer l’origine de la douleur, traiter le déséquilibre corporel qui a entraîné une fragilité de cette cheville. Cela diminue aussi le risque de récidives.
J’ai travaillé en Métropole dans une maison médicale et nous avions une démarche très dynamique à ce sujet avec mes collègues kinés : dès que l’on stagnait sur un patient, nous conseillions celui-ci d’aller voir notre confrère / consoeur, et ce, réciproquement : c’est une prise en charge d’autant plus efficace !
Vous-même, comment voyez-vous l’avenir de l’ostéopathie ?
Du point de vue de la profession, avec le grand nombre de nouveaux diplômés sortant chaque année, il va être important d’être solidaires entre nous pour avoir du poids auprès de l’Etat et continuer de cadrer la profession : cette évolution de la démographie fait que certains sont tentés de quitter la démarche de santé vers la démarche marketing. Même en Polynésie nous commençons à être très nombreux. Si l’on cède à la tentation du marketing, notre crédibilité, gagnée grâce à de nombreux et longs efforts, en prendra un sacré coup. Il est primordial de considérer chaque patient comme tel et non comme un client. En Métropole, certaines mutuelles ont une démarche dangereuse à ce niveau, mais c’est même au niveau de l’Etat que la Santé devient une valeur commerciale.
Si l’on regarde les choses du point de vue des patients, je vois cet avenir radieux : les gens ont pour beaucoup compris l’intérêt de notre approche et en parlent autour d’eux. Une étude toute récente de l’Ifop nous explique que « 9 Français sur 10 reconnaissent l’efficacité des soins dispensés par les ostéopathes (90%) et 87% y voient des professionnels dans lesquels ils ont confiance (dont 30% leur font même « tout à fait confiance »). ». C’est une belle preuve de confiance qui nous donne envie de continuer à donner le meilleur de nous-mêmes pour nos patients !