Les polynésiens et polynésiennes ont pris conscience ces dernières années de l’importance de préserver leur capital santé, qui est la condition du bien être personnel et du respect d’autrui.
Les maladies chronique au premier rang desquelles le diabète engendre leur lot d’amputations notamment des membres inférieurs. L’absence d’un membre dès la naissance, toute modification morphologique et a fortiori une amputation sont depuis l’antiquité et les figures de la mythologie grecque considérés comme une monstruosité ; l’apparence et la capacité physique sont primordiales dans notre société.
Socrate disait « l’homme est intelligent parce qu’il a une main. » Jusqu’à une époque récente la perte d’un membre ou la dysfonction d’un organe vital était bien souvent irréversible.
Les miracles de la science, de la technologie, de la médecine et de la pharmacie redonnent espoir aux patients à leur famille et plus généralement redonne confiance dans les valeurs de notre société.
Toutefois, et le titre de cette pièce « Réparer les vivants » en est une illustration, ces manipulations salvatrices posent des questions morales éthiques. Si le chirurgien peut vous rafistoler efficacement si vous vous coupez le doigt en bricolant, seul un acte de générosité gratuit d’autrui d’un proche voire d’un inconnu vivant ou tout récemment décédé, peut vous permettre de bénéficier d’une transplantation.
Comme le démontre parfaitement la pièce au-delà du geste médicale la transplantation est une aventure humaine collective avant tout conditionnée par un sacrifice individuel et un respect pour la vie. Le don d’organe que cette oeuvre essaie de promouvoir concerne au plus haut degré les polynésiens et polynésiennes avec la mise en place en 2013 d’un centre de greffe rénale au CHPF du Taaone. Pourquoi cette pièce est d’actualité en Polynésie ? Tout simplement parce que le don d’organe est un besoin universel et une urgence pour éviter toute perte de chance. Dans notre société moderne, si nous croyons encore à la providence divine la réparation des vivants est un acte individuel qui demande un sens des responsabilités et un courage exceptionnel.
« Réparer les vivants » nous montre comment tout être « normal » peut devenir un héros.
LA PIECE
Réparer les vivants, bouleversant roman de Maylis de Kerangal, est l‘histoire d’une transplantation cardiaque. Comment le cœur d’un jeune homme de dix-neuf ans va rejoindre le corps d’une femme de cinquante ans en l’espace de vingt-quatre heures. Ce spectacle retrace toute la chaîne humaine qui se constitue pour réaliser pareille prouesse. Le don d’organe, geste de générosité totale qui engendre la vie, demeure pourtant un choix difficile à faire pour les proches des victimes, alors au sommet de leur douleur.
Emmanuel Noblet nous livre son adaptation théâtrale du roman et réussit le pari délicat d’incarner, seul en scène, tous les personnages de l’histoire. Avec une élégante sobriété, il nous tient en haleine et parvient à nous émouvoir aux larmes tout autant qu’à nous faire sourire. Les mots de Maylis de Kerangal sonnent juste et transmettent une grande force de vie. Il faut les faire entendre. C’est d’une beauté absolue. La mort qui donne la vie… Une aventure humaine à la fois terrible et formidable.