Le sucre se présente sous différentes formes : en poudre, en petits carrés, en sirop. Ajouté ou caché, le sucre adoucit ou donne de la saveur aux aliments. On lui attribue un pouvoir réconfortant face aux difficultés du quotidien. Malheureusement le sucre, surtout en excès, ne nous fait pas toujours du bien. Il est à l’origine des « épidémies » de diabète et d’obésité dans le monde. L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) conseille, aujourd’hui, de réduire de 5% l’apport énergétique quotidienne, ce qui équivaut à 25 grammes ou 6 cuillères à café.
Malgré les multiples mises en garde et indications nous invitant à réduire notre consommation de sucre, celle-ci ne cesse de croître. Le sucre, rendrait-il «accro» au même titre que le tabac, l’alcool ou les drogues ?
Une multitude d’études expérimentales tendent à le confirmer. L’une d’elle révèle que les rats ayant le choix entre du sucre et de la cocaïne préfèrent le sucre dans un premier temps et la cocaïne à long terme. D’autres permettent d’observer que des rats ayant été habitués à consommer d’importantes quantités de sucre pendant plusieurs semaines, présentent, si on leur refuse la substance, des symptômes de manque, en particulier de l’anxiété. Toutes ces études démontrent en effet des ressemblances entre la prise excessive de sucre et les processus addictifs.
« Les structures neurobiologiques qui sous-tendent ces phénomènes sont les mêmes », confirme le professeur Daniele Fabio Zullino, chef du service d’addictologie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). « Comme pour n’importe quel aliment, l’ingestion de sucre entraîne l’activation de structures de l’hypothalamus, qui régule l’appétit et la satiété. Mais elle active également des structures cérébrales (l’aire tegmentale ventrale) régulant le plaisir lié à la consommation. C’est le système de récompense », explique Benjamin Boutrel, responsable de l’Unité de recherche sur la neurobiologie des troubles addictifs et alimentaires du Centre hospitalier universitaires vaudois (CHUV).
Ce qu’il faut savoir, c’est que plus l’aliment est riche en énergie et plaisant au goût, plus la sécrétion de dopamine dans notre cerveau augmente. Ce phénomène a plusieurs effets : il favorise le sentiment de récompense, entraîne une perte de contrôle et pousse à en consommer davantage. On retrouve le même phénomène dans les comportements addictifs. Ce sentiment de plaisir serait renforcé par l’activation de structures opioidergiques (relatif à l’action des opioïdes) et la sécrétion d’endorphines, qui régulent le plaisir de savourer la substance.
Une question d’éducation
Glaces, chocolat, bonbons, sucettes, gateaux… Les enfants sont attirés par tout ce qui est sucré. « Tout d’abord, le goût des enfants est différent de celui des adultes, les plus jeunes étant plus sensibles au goût sucré. Mais aussi, les enfants, et plus encore les adolescents, sont plus impulsifs que les adultes et résistent plus difficilement à la tentation. » explique le docteur Benjamin Boutrel. Le comportement des adultes aurait une responsabilité par rapport à ce phénomène : les sucreries servent souvent à faire obéir les enfants ou à les récompenser. Le sucre est également utilisé comme « antalgique » afin de détourner l’attention d’un enfant qui vient de faire une chute ou pour le faire patienter en attendant d’être soigner.
Les adultes ont tendance à donner du sucre aux enfants pour avoir la paix, amplifiant ainsi le cercle vicieux de leur attirance pour le goût sucré.
Un sujet à controverse
Malgré ces études et les observations qui en résultent, la question du pouvoir addictif du sucre est sujet à controverse.
« Ce pouvoir n’est de loin pas aussi fort que celui d’autres substances comme le tabac, l’alcool ou la cocaïne par exemple. La consommation de cette dernière entraîne une forte addiction chez ceux qui en consomment, ce qui n’est pas le cas du sucre. Par ailleurs, les effets sur la santé ne sont pas les mêmes », tempère le professeur Christian Lüscher, spécialiste des mécanismes neuronaux de l’addiction à l’Université de Genève. Les symptômes de sevrage et l’encadrement pour sa consommation non plus.
Si l’addiction au sucre n’a pas été formellement diagnostiqué par les psychiatres, certaines personnes rencontrent d’énormes difficultés à résister aux aliments sucrés. Une étude démontre qu’une alimentation riche en fructose et glucose peut provoquer, chez des adolescents en surpoids et obèses, une modification de la flore intestinale. Ainsi, le besoin de consommer toujours plus d’aliments très caloriques semble lié à ce changement de flore. Quoi qu’il en soit, les effets du sucre sont très variables d’une personne à l’autre. Idem pour certaines formes d’addiction, à l’alcool ou au tabac notamment, il existe une variation de vulnérabilité selon les individus.
Le professeur Zullino nous rappelle que cette préférence pour les glucides remonte loin dans l’histoire de l’humanité. Autrefois, il était nécessaire pour l’homme de manger des aliments hautement énergétiques, pour survivre. Or, aujourd’hui, il y a un décalage entre ces habitudes alimentaires et nos besoins physiologiques. La surabondance du sucre dans les aliments industriels, pour donner du goût aux aliments bas de gamme et pour appâter les clients, entraîne une augmentation du nombre de personnes souffrant de diabète, de surpoids et de leurs effets secondaires. Chez ces personnes-là, une surconsommation de sucre devrait faire l’objet d’une prise en charge. Les personnes en bonne santé et avec un poids sain n’ont pas besoin de s’en priver, à condition d’être capables de se raisonner.