Depuis 1999, la Polynésie française a adhéré au programme de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) visant à éradiquer la filariose lymphatique. En 2008, les résultats d’une enquête de la Direction de la Santé montraient que la filariose lymphatique était encore très présente en Polynésie française (11,3% de la population) alors que l’objectif était d’atteindre un seuil inférieur à 1% de la population. C’est pourquoi, en 2010, est née la POD (Prise Observée Directe). Oui, quand on vous oblige à prendre les comprimés sur place ! Cette POD avait pour but d’améliorer la couverture médicamenteuse et de décompter réellement les doses de médicaments avalées par la population. Une stratégie payante puisqu’en 2016 les objectifs ont étés atteints en Polynésie française, à l’exception des îles Sous le Vent et des Marquises Sud. En effet, la couverture médicamenteuse a atteint en moyenne 80% de la population en 4 ans, l’OMS estime qu’elle doit être de 65 % au minimum pour être efficace. Les évaluations menées en Polynésie, de 2014 à 2016, ont montrées que la présence de la maladie est passée sous le seuil des 1% dans la plupart des îles de Polynésie française.
La campagne POD 2017 a prise en compte les résultats de cette enquête afin de mobiliser ses efforts pour les populations des îles Sous le Vent et des Marquises sud. C’est pourquoi cette année, il n’y a pas eu de distribution sur Tahiti, mais il était possible d’avoir les comprimés dans les dispensaires durant les mois de Mars et Avril.
Et sinon, qu’est-ce que c’est la filariose lymphatique ?
La filariose lymphatique (connue sous le nom d’éléphantiasis) est une maladie tropicale parasitaire provoquée par des vers parasites du genre filaires qui sont transmis à l’homme par les moustiques. Et oui, les moustiques, encore eux !
En Polynésie, elle est due à la filaire Wuchereria bancrofti et le moustique Aedes Polynesiensis est son vecteur principal. Ces vers (filaires parce qu’ils ressemblent à des fils) s’installent dans le système lymphatique. Ils vivent environ 10 à 15 ans et, au cours de leur vie, produisent des millions de petites larves qui circulent dans le sang.
Au premier stade de la maladie, aucun signe n’est apparent. Plus tard, il y aura une inflammation des ganglions et des vaisseaux lymphatiques. À terme, les malades vont souffrir d’éléphantiasis.
Comment se manifeste cette maladie ?
La plupart des personnes infectées par la filariose lymphatique restent asymptomatiques (sans signes extérieurs d’infection) pendant longtemps mais peuvent transmettre la maladie, via les moustiques.
Le début des symptômes est progressif, mais les effets sont très apparents au bout de plusieurs années. Comme les filaires adultes vivent dans les vaisseaux lymphatiques, elles perturbent le fonctionnement normal du système lymphatique.
Lorsque la filariose lymphatique devient chronique, elle conduit au lymphœdème (gonflement des tissus) ou à l’éléphantiasis (épaississement de la peau et des tissus) des membres et à l’hydrocèle (accumulation de liquide). Les seins et les organes génitaux sont fréquemment atteints. L’éléphantiasis affecte principalement les extrémités inférieures (pieds et jambes).
Le lymphœdème chronique (= éléphantiasis) s’accompagne souvent d’inflammations aiguës et localisées de la peau, des ganglions et des vaisseaux lymphatiques. La plupart du temps, à cause de l’infestation bactérienne de la peau qui fait suite au mauvais fonctionnement du système lymphatique.
Mais comment on l’« attrape », en fait ?
La filaire effectue son cycle parasitaire chez deux hôtes. L’Homme est l’hôte définitif et les moustiques sont les hôtes intermédiaires.
À l’âge adulte, les filaires (mâle et femelle) vivent dans les vaisseaux lymphatiques. Elles se reproduisent dans les ganglions lymphatiques et la femelle donne naissance à un grand nombre de larves chaque jour. Ces larves, connues sous le nom de microfilaires, circulent dans le sang. Les moustiques les ingèrent donc en piquant une personne infectée.
Ces microfilaires ont besoin de passer chez le moustique pour se développer et devenir des larves infestantes pour l’Homme.
Lorsque le moustique devenu infestant pique pour prendre un nouveau repas sanguin, les larves sont libérées au niveau de la peau et pénètrent dans l’organisme de l’hôte définitif par le trou de piqûre. Les larves poursuivent leur évolution dans les vaisseaux lymphatiques et se transforment en adultes en 3 à 6 mois. La femelle donnera alors à son tour naissance à des microfilaires, perpétuant ainsi le cycle de transmission.
Les filaires adultes mesurent entre quatre et dix centimètres de long.
Quel est le traitement de la filariose lymphatique ?
Il existe trois médicaments microfilaricides : la diéthylcarbamazine (Notezine), l’ivermectine (stromectol) et l’albendazole (Zentel). Ces médicaments sont efficaces sur les microfilaires qui circulent dans le sang mais peu sur les filaires adultes qui vivent dans le système lymphatique. Comme les adultes vont continuer de produire des microfilaires, un traitement très prolongé est nécessaire. C’est-à-dire pendant toute la durée de vie d’une filaire adulte, soit 10 à 15 ans.
Un médicament est macrofilaricide : la doxycycline. La prescription de cet antibiotique est basée sur l’existence, chez Wuchereria bancrofti, d’une bactérie endosymbiotique (Wolbachia) qui est indispensable au développement de la filaire et à sa fertilité.
Le traitement local du lymphœdème repose sur des mesures simples et fondamentales pour empêcher la survenue d’épisodes infectieux aigus : hygiène stricte des espaces interdigitaux, traitement des portes d’entrée cutanées (antiseptiques, antibiotiques, antifongiques…)
La prise en charge chirurgicale s’applique au stade chronique de la maladie. C’est le traitement de l’hydrocèle et de l’éléphantiasis (des membres et des organes génitaux).
Le traitement préventif, qu’est-ce que c’est ?
C’est le programme de l’OMS. Il a pour but d’éliminer la filariose lymphatique en mettant fin à la propagation de l’infection grâce à la chimiothérapie préventive administrée massivement chaque année à l’ensemble des populations à risque.
Ce traitement préventif se compose de deux médicaments associés que vous avez tous pris pendant la POD : l’albendazole (le gros comprimé) et la diéthylcarbamazine (les petits).
Ces médicaments ont un effet limité sur les parasites adultes, mais éliminent efficacement les microfilaires de la circulation sanguine et préviennent la propagation des parasites aux moustiques. Ce traitement permet de soigner les personnes qui sont atteintes sans le savoir.
Cette stratégie de traitement à grande échelle peut interrompre le cycle de transmission lorsqu’elle est menée chaque année pendant 4 à 6 ans, avec une couverture efficace de toute la population à risque.
La lutte contre les moustiques pourrait être également efficace.
En conclusion on se dit qu’on est bien content d’avoir pris ses médicaments une fois par an, et on regrette même d’avoir râlé quand on nous obligeait à les avaler sur place !
Parce qu’aujourd’hui nous sommes sur la bonne voie pour éradiquer la filariose lymphatique de Polynésie française, il faut continuer nos efforts pour que les îles Sous Le Vent et les Marquises atteignent aussi les objectifs fixés par l’OMS.